Page:Collins - Le Secret.djvu/172

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ceriez à regarder dans les coins obscurs, et à rêver tout éveillée… Vous êtes trop malade, Sarah !… oh ! oui, beaucoup trop malade.

— Mais vous vous trompez… Je ne suis point malade… Pourquoi s’obstine-t-on à vouloir me soutenir que je me porte mal ?… Laissez-moi parler du Secret, mon oncle… C’est pour cela que je suis venue… Je n’aurai de repos qu’après vous avoir tout dit. »

En parlant, elle changeait de couleur, et ses manières attestaient une gêne secrète. Elle commençait, sans doute, à se rendre compte qu’il lui était échappé des paroles, des mouvements, dont il eût été plus prudent de s’abstenir.

« Ne m’examinez pas de trop près, dit-elle avec sa douce voix, ses façons caressantes et pleines de charme ; si mes paroles, mes manières, ont quelque chose de peu séant, n’y prenez pas autrement garde… Je me perds quelquefois en distractions dont je n’ai pas conscience… et je suppose que je viens d’en avoir une… Cela ne signifie rien, oncle Joseph… absolument rien, je vous assure. »

Essayant ainsi de rassurer le vieillard, elle changea son fauteuil de place, de telle sorte qu’elle tournait maintenant le dos à cette porte de la pièce sur laquelle, jusque-là, elle avait vue.

« À la bonne heure, j’aime mieux ceci, dit l’oncle Joseph ; mais ne me parlez plus du passé, de peur de vous perdre encore… Parlons de ce qui est… Oh ! voyons, contentez là-dessus mon caprice. Laissez là le vieux jadis, et tenez-vous-en au présent. Je puis, tout aussi bien que vous, remonter à il y a seize ans… En doutez-vous ?… Eh bien ! laissez-moi vous dire ce qui arriva lors de notre dernière rencontre… En trois mots j’aurai fait mes preuves. Vous abandonnez votre place et le vieux manoir ; vous vous réfugiez ici ; vous y demeurez cachée pendant que votre maître et ses domestiques vous donnent la chasse. Vous partez dès que la route vous est ouverte, pour aller gagner votre vie aussi loin que possible du pays de Cornouailles ; je vous prie et supplie de faire halte ici, de demeurer près de moi ; mais vous redoutiez votre maître, et vous voilà repartie. Eh bien ! n’est-ce pas toute l’histoire de vos peines, à l’époque où, pour la dernière fois, vous vîntes ici ?… N’en parlons plus, et dites-moi ce qui cause vos tourments actuels.

— Mes peines d’alors et mes peines présentes, oncle Joseph, n’ont qu’une seule et même cause : le Secret…