Page:Collins - Le Secret.djvu/177

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— Vous m’assurez encore que vous avez tout simplement à retirer la lettre de la chambre aux Myrtes et à la déposer ailleurs ?

— Pas autre chose.

— Et c’est votre propriété dont vous disposez ainsi ? Personne n’a sur elle plus de droits que vous ?

— Personne… maintenant que mon maître n’est plus.

— Bien… Vous m’avez complètement décidé… Voilà qui est fini… Asseyez-vous là, Sarah… Étonnez-vous tant qu’il vous plaira, mais ne sonnez mot. » Parlant ainsi, l’oncle Joseph alla d’un pas leste vers la porte ouvrant sur le magasin ; il l’ouvrit, et appela l’homme placé au comptoir. « Samuel, mon ami, lui dit-il, je partirai demain pour une tournée dans le pays avec ma nièce, cette dame ici présente. Vous garderez la boutique, et recevrez les commandes, avec votre exactitude et votre soin ordinaires, jusqu’à ce que je sois de retour… Si quelqu’un venait demander, après M. Buschmann, vous répondrez qu’il est parti pour une petite tournée dans le pays, et qu’il sera de retour sous peu de temps… Voilà tout… Maintenant, Samuel, mon bon ami, fermez le magasin et allez souper !… Je vous souhaite bon appétit, bonne chère et bon sommeil. »

Avant que Samuel eût remercié son maître, la porte était refermée. Avant que Sarah pût articuler une parole, la main de son oncle était posée sur ses lèvres, et le mouchoir dudit oncle essuyait les pleurs qu’elle laissait couler en abondance.

« Plus de bavardages !… plus de pleurnicheries ! dit le vieillard. Je ne suis qu’un Allemand, mais j’ai dans ma seule peau tout l’entêtement de six Anglais réunis en bloc. Vous couchez ici cette nuit. Demain nous reparlerons de la chose. Vous me demandez de vous aider d’un bon avis. Je vous aiderai de tout moi-même, ne sachant pas d’avis qui vaille autant… Ne m’en demandez pas plus jusqu’à ce que j’aie décroché ma pipe de ce mur où vous la voyez, et que je lui aie demandé de m’aider à réfléchir. Ce soir, je fume et je réfléchis. Demain, il sera temps de parler et d’agir… Quant à vous, montez là-haut dans votre lit… Emportez la boîte à musique de l’oncle Max, et faites-vous chanter la Berceuse de Mozart avant de vous endormir… Oui, mon enfant, oui… Mozart est un grand consolateur… Il console mieux que les larmes… Pourquoi tant pleurer ?… Y a-t-il de quoi verser tant de pleurs ni de quoi tant me remercier ?… Est-ce donc un si grand miracle