Page:Collins - Le Secret.djvu/238

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min de traverse coupant à angle droit, dans la direction du nord, la grande route qui mène à Truro, et menant à une autre route, qui, d’après la grosseur du trait à elle consacré, devait être une route à diligences. Celle-ci traversait une ville assez importante pour que son nom fût imprimé en lettres capitales. Heureuse de cette découverte, Sarah proposa de suivre à pied le chemin de traverse (qui, sur la carte, ne semblait guère avoir plus de cinq à six milles de long), et de ne monter en voiture qu’une fois arrivés à la ville en question, chef-lieu probable d’un district inconnu. En adoptant cette marche, ils devaient rompre toute piste, à leur sortie de la petite ville qu’ils allaient quitter, à moins cependant qu’ils ne fussent suivis à pied, comme ils l’avaient déjà été sur la lande. Pour le cas où se présenterait une difficulté de ce genre, Sarah ne voyait qu’un remède praticable, qui était de s’attarder à dessein sur la route jusqu’à la tombée de la nuit, et de s’en rapporter à l’obscurité pour déjouer la vigilance de la personne chargée de savoir où ils allaient.

L’oncle Joseph secoua les épaules, d’un air résigné, quand sa nièce lui exposa pour quelles raisons elle désirait continuer à pied leur voyage :

« Il faudra, disait-il, une fois ce parti pris, piétiner beaucoup dans la poussière… beaucoup regarder derrière nous… épier, surveiller de tous côtés… faire mille tours et détours… Ceci n’est pas, à beaucoup près, aussi facile, mon enfant, que, nous étant assurés préalablement de l’aubergiste, de nous prélasser à notre aise sur les coussins de la diligence… Mais, puisque vous le voulez, ainsi soit-il !… Votre volonté, Sarah… votre volonté… je ne me permettrai pas d’y contredire jusqu’à ce que nous soyons de retour à Truro, et que nous nous soyons remis des fatigues de notre voyage.

Votre voyage, alors, sera fini, mais non le mien. »

Ce peu de mots suffit pour changer la physionomie du vieillard. Ses yeux se fixèrent sur sa nièce, avec l’expression du reproche ; ses joues rosées perdirent leur teinte joyeuse, ses mains si mobiles retombèrent inertes à ses côtés.

« Sarah, dit-il d’une voix basse et calme, qui ne ressemblait en rien à sa voix ordinaire… Sarah, est-ce que vous aurez bien le cœur de me quitter encore une fois ?

— Demandez-moi si j’aurai le courage de rester dans le pays de Cornouailles… Voilà, mon oncle, la question qu’il faut me faire. Si je n’avais à consulter que mon cœur, oh !