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CHAPITRE V.

La chambre aux Myrtes.


Une fenêtre large et carrée, avec de petits carreaux et un châssis noirâtre ; une lumière jaune et triste, perçant à grand’peine le voile impur que cinquante années avaient graduellement épaissi sur les vitres ; quelques rayons plus nets pénétrant en cette pénombre, à travers les fissures de trois carreaux brisés ; une poussière subtile, montant des parquets, tombant des plafonds, et planant, en cercles lentement roulés et déroulés, dans l’atmosphère que rien n’agite ; des murailles d’un rouge flétri, hautes et nues ; des fauteuils en désordre, des tables posées de travers ; une grande bibliothèque noire, dont une des portes, ouverte, est à moitié sortie de ses gonds ; une colonne tronquée, au pied de laquelle gisent les débris du buste dont elle était le piédestal ; un plafond marbré de grandes taches ; un parquet poudreux et blanc : tel était l’aspect de la chambre aux Myrtes, quand Rosamond y pénétra, pour la première fois de sa vie, tenant son mari par la main.

Le seuil franchi, elle avança lentement de quelques pas, puis fit halte soudainement, attendant, tous ses sens en éveil, toutes ses facultés à leur plus haut degré de tension, attendant, au sein de cette immobilité pleine de présages, au sein de cette solitude abandonnée, que cette chose vague, enfermée peut-être en ce lieu, ou parût se dressant devant elle, ou se fît entendre sans se laisser voir, ou vînt se manifester à elle, d’en haut, d’en bas, d’un côté, de l’autre, elle ne savait d’où. Elle attendit ainsi, respirant à peine, pendant une minute au plus, et rien ne parut ; aucun bruit, aucune manifestation ne se fit. Le silence et la solitude avaient leur secret à garder, et ils le gardaient.

Elle détourna la tête vers son mari. Le visage de Léonard, ordinairement si calme, si recueilli, exprimait maintenant une sorte de malaise et d’anxiété. Celle de ses mains qu’il avait gardée libre était étendue et se mouvait de haut en bas dans le vide, cherchant vainement à se mettre en contact avec quelque chose qui pût l’aider à se faire une idée de ce qui