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« Chut, Rosette, chère enfant ! Chut, petit bijou. Ne pleurez plus sur votre pauvre maman… Pensez à votre pauvre papa… il a tant besoin que vous le consoliez ! »

Si simples que fussent ces paroles, si tendre et si calme que fût leur accent, elles parurent enlever sur-le-champ à Sarah Leeson tout empire sur elle-même. Sans se demander si elle serait ou non entendue, elle se détourna et se mit à fuir par les corridors, comme si elle eût eu des assassins à ses trousses. Passant auprès du flambeau qu’elle avait posé là, elle ne lui donna pas même un regard, se jeta sur les escaliers et les descendit tous du même élan, jusqu’au sous-sol des cuisines. Là, un des serviteurs qui veillaient encore accourut à sa rencontre et lui demanda compte de sa brusque arrivée.

« Je suis malade… je me trouve mal… j’ai besoin d’air, lui répondit-elle d’une voix étouffée et peu distincte… Ouvrez la porte du jardin !… laissez-moi sortir ! »

L’homme obéit, mais comme à regret, semblant hésiter à croire qu’il fût prudent de la laisser aller seule.

« Elle devient de plus en plus bizarre, dit-il en revenant auprès de son camarade, après qu’elle fut sortie au grand air, en passant devant lui fort à la hâte… Maintenant que madame est morte, il lui faudra, je suppose, chercher une autre condition. Pour ma part, je la verrai s’en aller sans trop de regrets… Et vous, compère ? »



CHAPITRE III.

Le secret celé.


L’air doux et frais qui, dès qu’elle fut dans le jardin, vint caresser le front et les joues de Sarah, parut calmer bientôt son agitation. Elle s’engagea dans une allée latérale qui conduisait sur une terrasse, et d’où l’on avait vue sur la chapelle d’un village voisin. Le crépuscule du matin commençait à éclairer le paysage. Les clartés voilées que la brume jaunit un peu avant le lever du soleil, montaient, paisibles et charmantes, dans le ciel oriental, derrière un long profil noirâtre de terres marécageuses. La vieille église, enveloppée de son