Page:Collins - Le Secret.djvu/32

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cimetière que bordait une haie de myrtes et de fuchsias, luxuriants comme ils sont dans le pays de Cornouailles, s’éclairait presque aussi vite que le ciel lui-même, ce ciel matinal, dont elle reflétait les splendeurs. Sarah, s’accoudant au dos d’un siége rustique, restait en contemplation devant cette église. De l’édifice lui-même, ses regards se portaient sur l’étroit cimetière, s’y arrêtaient longuement, et suivaient les progrès de la lumière graduellement réchauffée qui baignait ce dernier asile où les morts reposent en paix.

« Oh ! disait-elle, mon cœur… mon pauvre cœur !… De quoi donc est-il fait pour exister encore ? »

Elle demeura quelque temps absorbée dans sa contemplation douloureuse, et méditant les paroles qu’elle avait entendu adresser à l’enfant par le capitaine Treverton. Elles semblaient se rattacher, comme tout s’y rattachait, au reste, dans son esprit fortement préoccupé, à la lettre écrite sur le lit de mort de mistress Treverton. Elle la retira de son sein une fois encore, et, par un geste irrité, la froissa dans ses mains.

« Je la tiens encore… mes yeux seuls l’ont vue, disait-elle, regardant ce papier maintenant informe… Est-ce ma faute, après tout ?… Si elle vivait, elle… Si elle avait vu ce que j’ai vu… entendu ce que j’ai entendu… me demanderait-elle encore de remettre la lettre à son malheureux mari ?… »

La pensée qu’elle venait d’exprimer ainsi parut rendre quelque calme à son âme. Elle s’éloigna pensive du banc qui lui avait servi d’appui, traversa la terrasse, descendit quelques marches de bois, et, par un sentier bordé d’arbustes qui tournait autour du manoir, de la façade orientale revint à celle du nord.

Depuis plus d’un demi-siècle, cette portion des bâtiments, tout à fait abandonnée, n’avait pas été remise en état. Le père du capitaine avait même dépouillé de leurs plus beaux tableaux et de leurs meilleurs meubles toutes les pièces du nord, pour faciliter et enrichir la décoration de l’aile occidentale, la seule qu’on habitât, dont les vastes appartements suffisaient, et de reste, soit à loger la famille, soit à lui permettre d’exercer largement les devoirs de l’hospitalité. La maison, fortifiée autrefois, avait dans l’origine la forme d’un quadrangle. De ces anciennes fortifications, une seule survivait encore ; une tour basse et massive qui partageait avec le village voisin l’honneur d’avoir donné son nom à la résidence