Page:Collins - Le Secret.djvu/345

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« Puis-je cependant m’informer, avant de vous conseiller l’un ou l’autre choix, si cette dame est familièrement connue de la malade, et si elle est, avec mistress James, dans une intimité aussi grande que le bon vieillard dont vous venez de me parler ?

— Je dois, bien à regret, répondre négativement à cette double question, dit Léonard. Et peut-être faut-il ajouter, en même temps, que votre malade croit ma femme au fond du Cornouailles. Son apparition subite pourrait donc causer à mistress James une fort grande surprise ; peut-être même croirait-elle avoir lieu de s’en alarmer.

— Dans ces circonstances, dit le docteur, le danger de confier une mission si délicate à ce bon vieillard, si étrangement naïf, me paraît être, de beaucoup, le moindre des deux ; et cela, par cette raison bien simple qu’en le voyant, lui, elle n’éprouvera aucune surprise. Quelque maladresse qu’il mette à lui donner les nouvelles dont il s’agit, encore aura-t-il sur madame l’avantage de ne l’effaroucher point par sa seule présence. Si cette épreuve hasardeuse doit être risquée, et, d’après ce que vous m’avez dit, j’estime qu’elle doit l’être, vous n’avez, je pense, d’autre alternative que de vous confier au bon vieillard en question, après lui avoir donné les instructions les plus détaillées sur les précautions à prendre. »

Cette conclusion précise et définitive mettait naturellement fin à la consultation. Rosamond et son mari revinrent en toute hâte à l’hôtel, afin d’endoctriner convenablement l’oncle Joseph.

En approchant de la porte de leur salon, ils furent surpris d’entendre de la musique exécutée dans cette pièce. Ils y trouvèrent, une fois entrés, le vieillard accroupi à côté d’un tabouret, et l’oreille tout contre une méchante petite boîte à musique, placée sur une table à côté de lui. Elle jouait un air que Rosamond reconnut aussitôt : le Batti, Batti, de Mozart.

« Vous m’excuserez, j’espère, de m’être fait un peu de musique pour me tenir compagnie pendant que vous étiez dehors, dit l’oncle Joseph se relevant tout confus, et arrêtant aussitôt son instrument… De tous mes amis, de tous mes compagnons, voilà, sauf votre respect, le plus ancien qui me soit resté. Le divin Mozart, le roi de tous les compositeurs qui aient vécu jamais, l’a donné à mon frère, de sa propre main, madame, lorsque Max, tout enfant, était à l’école de musique