Page:Collins - Le Secret.djvu/346

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à Vienne. Depuis que ma nièce m’a laissé tout seul dans le Cornouailles, je n’avais pas encore trouvé le courage de me faire jouer quelque chose par Mozart, au moyen de cette petite boîte. À présent que vous m’avez tranquillisé sur le compte de Sarah, mes oreilles sont altérées de ce frêle tinn, tinn, qui, partout où je suis, a pour mon cœur la même sonorité amicale. Mais c’est assez comme cela, dit le vieillard, renfermant la boîte dans son enveloppe de cuir, laquelle pendait encore à son côté, et que Rosamond y avait déjà remarquée le jour où elle l’avait vu à Porthgenna pour la première fois… Je remets mon gentil petit oiseau dans sa cage, et je vous demanderai, maintenant, si vous voulez bien me faire part de ce que le docteur vous a dit. »

Rosamond raconta, en substance, pour faire droit à cette requête, la conversation qui avait eu lieu entre son mari et le médecin. Puis, usant de mille stratagèmes oratoires, elle en vint à catéchiser le vieillard sur la façon dont il devait s’y prendre pour révéler à sa nièce la découverte du Secret. Elle lui dit que les circonstances qui avaient amené cette découverte devaient d’abord être présentées à Sarah, non pas comme s’étant réellement produites, mais comme ayant pu se rencontrer. Elle lui mit, pour ainsi dire, sur les lèvres, les paroles dont il avait à se servir, choisissant à dessein les plus simples, les plus claires, celles qui demandaient le moins à son intelligence ou à sa mémoire. Elle lui montra comment, au moyen d’une transition bien ménagée, il pourrait glisser du terrain des simples hypothèses sur celui des faits réalisés ; et elle tâcha de lui faire sentir l’importance qu’il y avait à ce que sa nièce ne perdît jamais de vue un seul instant que la découverte du Secret n’avait éveillé, dans le cœur d’aucune des personnes dont il pouvait affecter la destinée, et qui l’avaient poursuivi avec tant de zèle, un seul sentiment amer, une seule pensée de rancune.

L’oncle Joseph écouta jusqu’au bout, avec l’attention la plus soutenue, tout ce que Rosamond avait à lui dire. Puis il se leva de son siége, contempla longuement son visage, et y découvrit une expression d’inquiétude et de doute dont il se fit l’application tout de suite, en toute modestie et en toute perspicacité.

« Comment nous bien assurer, avant de partir, que je n’oublierai rien ? lui demanda-t-il d’un ton pénétré. Je n’ai pas grande invention, cela est vrai : mais il y a quelque chose en moi que je ne saurais oublier, et surtout quand l’intérêt de