Page:Collins - Le Secret.djvu/386

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tous ces chagrins du foyer domestique, les seuls intérêts, les seules affections de sa vie passée. Lorsque Rosamond, pour la première fois, vint à ses côtés s’asseoir et lui prendre la main pour le consoler un peu, il promena ses yeux tristes de ce beau visage compatissant à la boîte de musique, et se répétait continuellement les mêmes mots, sans qu’ils parussent avoir pour lui un sens bien précis : « Tous partis, à présent !… Oui, tous… Frère Max, sœur Agathe, et Sarah aussi, la nièce Sarah !… Il ne reste plus que la petite boîte et moi, tout seuls au monde… Mozart ne peut plus chanter… Il a chanté pour la dernière de tous… »

Le second jour, il ne se fit en lui aucun changement appréciable. Le troisième, Rosamond, posant avec respect sur le sein de sa mère le petit volume d’Hymnes, entouré d’une tresse de ses cheveux, baisa pour la dernière fois ce visage triste et paisible. Le vieillard assistait à ces adieux muets ; et, quand ils furent terminés, il suivit Rosamond. À côté de la bière, et ensuite, quand elle l’eut ramené auprès de son mari, il demeura plongé dans le même apathique chagrin qui, dès le principe, l’avait, pour ainsi dire, écrasé. Mais quand ils commencèrent à parler de ces restes qu’il fallait, dès le lendemain, transférer au cimetière de Porthgenna, ils remarquèrent dans ses yeux ternes un éclat soudain, et s’aperçurent que son attention, jusqu’alors impossible à fixer, suivait maintenant chacune de leurs paroles. Au bout d’un instant, il se leva de son fauteuil, s’approcha de Rosamond, et la regarda au visage avec une sorte d’inquiétude. « Je crois, dit-il, que je m’en tirerais mieux, si vous me permettiez de partir avec elle. Nous devions, si elle eût vécu, revenir ensemble dans le Cornouailles… Puisqu’elle est morte, ne voulez-vous pas que nous y retournions ensemble tout de même ? »

Rosamond essaya quelques douces remontrances, et voulut le convaincre qu’il valait mieux confier cette translation aux soins du valet de chambre de son mari, domestique digne de toute confiance, et, par sa position, mieux en état que personne de prendre ces soins minutieux, auxquels de proches parents sont hors d’état de vaquer, à raison de la douleur qui les préoccupe. Elle ajouta que son mari voulait rester à Londres, afin qu’elle pût prendre un jour de repos absolu, qui lui était indispensable, et qu’ils comptaient partir ensuite pour le Cornouailles, de manière à se trouver à Porthgenna le jour des obsèques ; elle le priait donc, en ce moment de crise pour tous,