Page:Collins - Le Secret.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cieuse histoire, lorsqu’est arrivée cette petite interruption domestique ?

— J’en étais à la fin, très-certainement, dit le ministre. À l’heure où nous parlons, le marié et la mariée sont déjà sur la route de Saint-Swithin-sur-Mer, où ils vont passer leur lune de miel. Le capitaine Treverton ne doit les aller rejoindre que demain. Il a reçu pour lundi prochain son ordre de départ, et il doit se trouver à Portsmouth demain matin, pour y prendre le commandement de son vaisseau. Bien qu’il ne se soucie pas d’en convenir expressément, je n’ignore pas que Rosamond lui a persuadé de ne plus naviguer, une fois cette croisière finie. Pour l’attirer à Porthgenna, et l’y retenir auprès d’elle et de son mari, elle a un plan qui, je le crois et l’espère, sera couronné de succès. Les chambres du vieux manoir donnant à l’ouest, et dans l’une desquelles mistress Treverton a rendu le dernier soupir, ne doivent pas servir à notre jeune ménage. Un habile constructeur, homme de bon sens, cette fois, homme pratique, est appelé à venir examiner le pavillon du Nord, qu’on voudrait remettre à neuf et dont on voudrait décorer à nouveau les appartements. Cette portion de l’édifice ne peut, en aucune manière, se rattacher aux pénibles souvenirs qui hantent l’esprit du capitaine Treverton ; car ni lui ni personne n’y est entré, pendant tout le temps de sa résidence à Porthgenna. En tenant compte du changement d’aspect que cette remise à neuf du pavillon Nord ne saurait manquer de produire, et aussi de l’effet du temps qui atténue toujours l’amertume des souvenirs douloureux, je crois pouvoir affirmer qu’il y a bonne chance pour que le capitaine Treverton retourne finir ses jours au milieu de ses anciens tenanciers. Ce sera un grand bonheur pour Léonard Frankland, car cela lui conciliera certainement ses nouveaux vassaux. Pourvu qu’il s’abstienne de trop laisser percer cet orgueil de race qu’il tient de son père, il sera bien vu de ses tenanciers, comme gendre de leur ancien maître. Il s’exagère un peu les droits de la naissance et les privilèges du rang social ; mais, en toute réalité, il n’a pas d’autre défaut notable, et je puis dire qu’il mérite, à tous égards, le bon lot qui lui est échu : savoir la meilleure femme du monde… Quelle heureuse existence, Phippen, semble s’ouvrir devant ces heureux jeunes gens !… Il est bien téméraire de prédire ceci à de pauvres mortels de notre espèce… mais, en réalité, plus j’y songe, et moins je vois de nuages sur ce radieux avenir.