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UNE CHASSE DE L’ANCIEN TEMPS AU CARIBOU

Nous trouvâmes plusieurs familles d’indiens à ce camp-là ; il y en avait deux ou trois autres dans le voisinage. Nous étions à environ quatre milles de l’endroit où les caribous étaient à brouter. On avait déjà fait des préparatifs pour les cerner en plantant un lot de petites épinettes noires près de l’entrée d’un lac, sur une longueur de trois milles. On avait ménagé çà et là, des passages d’environ cent verges de largeur, à chacun desquels, un chasseur devait être posté, ce qui formait, une fois les entrées fermées, une véritable fourrière — le corral de l’Ouest.

Nous dûmes flâner deux jours à attendre un temps convenable du vent fort et de la neige. Avant l’aurore, les chefs de file étaient en route ; quant aux autres, le vieux Pierre les avait placés à l’entrée du lac et sur les côtés de la fourrière.

L’intention des chefs chasseurs était de prendre le devant sur les caribous, de se replier sur eux, de les pousser du côté des entrées, et de là jusqu’au lac, ce qu’ils feraient tout naturellement pour éviter la neige épaisse. En les traquant de la sorte, les chefs chasseurs devaient abattre autant de caribous que possible, mais ceux qui étaient postés à l’entrée du lac ne devaient pas tirer un seul coup avant que le dernier caribou fût passé, ce qui devait amener l’emprisonnement de toute la bande dans un cercle d’une largeur d’environ six cents verges.

C’était un plan bien conçu. J’étais avec mon frère ensuite de moi, le deuxième tireur à l’entrée du lac.

Environ une heure après le lever du jour, nous entendîmes les premiers coups de fusil ; puis ils se firent de plus en plus proches, jusqu’à ce qu’enfin, une demi-heure plus tard, la bande déboucha sur la glace de l’entrée, en faisant voler la neige comme des chasse-neige en miniature.