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PERDU DANS LA FORÊT

Dans l’après-midi, l’Indien s’en fut le long du bord du lac jusqu’à une certaine distance, mais comme il neigeait encore beaucoup, il ne put réussir à s’y reconnaître. C’est ce qu’il me dit.

Durant la nuit, le temps s’éclaircit et, le matin, lorsque nous descendîmes sur le lac, l’Indien fut très surpris de constater que c’était un lac qu’il conaissait familièrement, mais qu’il lui avait été impossible de reconnaître la veille. Dans la tempête, nous nous étions écartés de cinq milles de notre course. Cet écart, joint à notre marche à travers la neige épaisse, fit que nous n’arrivâmes que le cinquième jour chez Thibeau. Nous n’avions pris des provisions que pour trois jours, mais comme, en route, j’avais tué deux lièvres et quatre perdrix de bois, nous avions eu assez de vivres, et nous aurions pu nous en procurer davantage, si nous en avions eu besoin.

Le reste de notre voyage se passa comme à l’ordinaire, à l’exception d’un incident assez amusant.

Le sixième jour, nous arrivions à la Pointe-aux-Outardes, et nous restions à coucher chez Monsieur R., vieux cultivateur et chasseur, garçon très obligeant et très hospitalier. L’automne d’avant, une barque allemande, dont j’ai oublié le nom, était allée s’échouer sur les battures de Manicouagan. Elle avait une cargaison de gin. Comme la barque n’avait pas attrapé d’avaries, on avait jeté quelque cinq à six cents barils de gin par-dessus bord, pour l’alléger afin de pouvoir la renflouer ; on y réussit. Il se perdit quelques-uns de ces barils ; quelques autres furent recueillis sur la rive sud, mais la plupart furent sauvés par les habitants de la Pointe-aux-Outardes, qui comptaient quelque chose comme sept ou huit familles.

Devant chaque maison, on pouvait voir une rangée de barils ; notre hôte en avait une vingtaine pour sa