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PREMIÈRES ANNÉES

Le jeune Nettle ne savait pas plus nager que moi, et c’est tout au plus si je pouvais me tenir à flot deux minutes durant. À la suite d’une première tentative, me sentant fatigué, je voulus toucher le fond en laissant descendre mes pieds ; j’y réussis mais, avec au moins deux pieds d’eau par dessus la tête. Je me poussai du fond, et je revins à la surface, mais pour un moment seulement, car je redescendis aussitôt dans la profondeur. Je constatai alors qu’apparemment, j’allais me noyer. J’eus tout-à-coup l’idée de tenter de gagner la rive en marchant à quatre pattes, car j’apercevais les accores de la rive à quelques pieds de moi. C’est ce que je fis, et c’est ainsi que je sauvai ma vie.

Pendant ce temps-là Nettle, voyant que j’étais en danger de me noyer, s’était mis à courir sur la grève à la recherche de quelque chose à me jeter pour me sauver ou pour me tirer à terre, mais il n’y avait rien du tout, et je me serais certainement noyé si je n’avais eu recours à l’expédient que je viens de décrire. Ce fut pour moi une leçon que je n’ai jamais oubliée, et c’est avec prudence que, dans la suite des jours, je choisissais les endroits où me baigner. Toutefois, avec le temps, j’ai fini par devenir un très fort nageur et un excellent plongeur ; ce dont j’aurai occasion de causer dans quelqu’autre chapitre.

Et le temps se passa ainsi jusqu’à ma onzième année, chassant, pêchant, canotant, sans l’ombre d’un souci, libre comme l’air que je respirais, c’était vraiment l’époque des beaux jours, mais, comme toutes les bonnes choses de ce monde, ça ne pouvait pas toujours durer.

Pour moi, la fin en fut très brusque. C’était dans le mois de juin. Une grosse goélette en route pour Québec, avec un chargement d’huile de poisson et de