À travers le Saint-Laurent
L y a eu tellement de versions, toutes plus ou moins
exactes, de cette odyssée, que j’ai décidé d’en donner
à mes lecteurs, un récit plus simple et plus réel.
Je suis grand amateur de la chasse au loup-marin et, en dehors de ce qu’elle peut rapporter pécuniairement, je la regarde comme un véritable sport. Pour faire cette chasse, j’étais descendu à la Pointe-des-Monts à bonne heure en janvier 1886. Mon frère aîné Isaïe et moi, avions été chancheux ; ayant tué quatorze loups-marins en une semaine, et nous attendions un jour favorable pour retourner à Godbout.
Le 18 et le 19, nous avions un fort vent d’est et une grosse bordée de neige ; le temps s’éclaircit légèrement dans la soirée du 19. Les vents de nord-est se font sentir assez près du rivage, le long des falaises, entre la Pointe-des-Monts et Godbout, et poussent les glaces loin de terre.
Nous avions donc l’espoir de pouvoir arriver à Godbout à bonne heure le 20. Je télégraphiai alors à ma femme de nous attendre pour le déjeuner, si le temps se tenait au beau.
Nous quittâmes la Pointe-des-Monts à 3 heures du matin, tel que convenu. Il faisait calme et doux pour un jour d’hiver. Mon idée, en partant aussi à bonne heure, était d’essayer d’arriver à Godbout avant que le vent d’ouest s’élevât, car je m’attendais à une forte bourrasque, vu que le baromètre avait constamment baissé.
Nous naviguions en eau assez claire, le long de la côte ; ici et là nous rencontrions un glaçon. Nous fîmes ainsi cinq milles, lorsque nous donnâmes sur une