Charles Moreau
HARLES était un métis montagnais, originaire
des Escoumains, au Saguenay. Encore bébé,
son père se noya à la chasse au loup-marin. Gabriel
Ashini, « Le Roc » et sa femme, Charlotte, l’adoptèrent
comme leur enfant et l’élevèrent. Voilà comment il
se fit qu’il passa une partie de son existence à la
Pointe-des-Monts et aux environs.
Je l’ai intimement connu. Lui et moi, nous étions grands amis et, durant quelque trois ou quatre hivers, nous fîmes la chasse à quelques milles l’un de l’autre, et souvent nous nous rencontrions.
Parfois mon associé et moi, nous allions passer la soirée du dimanche, à son camp, et, par après, il nous rendait notre visite. En pareilles occasions, tout ce qu’il avait de meilleur, il le mettait devant nous. C’était régulièrement un plat de porc-épic rôti à la broche et du castor frais ou fumé. Il nous offrait du lièvre, de la perdrix et du poisson que lorsqu’il n’avait pu se procurer de plus gros gibier ; d’ailleurs, il regardait ce gibier-là comme trop commun en pareilles circonstances.
Charles n’avait pas la réputation d’être un bon chasseur ; on ne pouvait pas dire non plus qu’il en fût un mauvais, mais, il avait une autre célébrité : C’était un « gros mangeur ». Ses exploits gastronomiques étaient quelque chose de phénoménal. J’ai entendu raconter et j’ai lu les exploits de plus forts mangeurs, mais je n’en ai jamais vu. Je ne ferai que citer quelques faits dont j’ai été témoin, dont quelques-uns à son camp et d’autres chez nous.
Je l’ai vu plusieurs fois s’empiffrer à un seul repas de tout un porc-épic rôti à la broche, d’un jeune castor, ou de la queue et d’un quartier de derrière