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CHARLES MOREAU

d’un gros castor. Ces victuailles réunies ne représentaient pas moins de sept livres de viande et de gras. Outre cela, il mangeait une grosse galette et buvait trois ou quatre tasses de thé pour faire descendre le tout. Une fois, en été, je lui fis présent d’un saumon de neuf ou dix livres qu’il rasa net en un seul repas.

Il fut engagé une fois par M. Gaudet, arpenteur, qui faisait des arpentages dans cette partie du pays pour le compte du gouvernement. Le pauvre garçon avait tout probablement eu à souffrir de la misère quelque temps auparavant ; il entrevit donc là une bonne chance de se refaire ; malheureusement, la fête ne dura pas longtemps, M. Gaudet eut à le congédier, parce qu’autrement il eût vu le bout de ses provisions, avant de compléter ses travaux. D’après le récit du cuisinier, à chaque repas, il mangeait de cinq à sept gros biscuits de matelot et deux livres de lard. Même, il nous déclara, et je le crois, qu’une fois, dans un seul repas, il avait ingurgité environ cinq livres de lard. Rien d’étonnant si M. Gaudet eut la crainte de manquer de provisions.

Un jour, à la Pointe-des-Monts, nous nous trouvions ensemble plusieurs d’entre nous, tous chasseurs de loups-marins ; Charles était du nombre. Comme ses exploits de mangeur étaient bien connus, et qu’on en parlait souvent, quelqu’un lui demanda combien de pisques (canards caille) il pouvait manger en un repas. Puis un autre lui nomma un autre oiseau, ainsi de suite. Charles leur dit franchement le nombre qu’il pouvait se mettre sous la dent. Finalement on lui demanda combien d’oiseaux blancs il pouvait s’incorporer.

Il se mit à réfléchir, puis, répondit tranquillement :