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HISTOIRES D’OURS

grosse affaire ici. Deux bons hommes en canot, si le temps était un tant soit peu convenable, pouvaient abattre de cinquante à cent marsouins en une saison, c’est-à-dire depuis août jusqu’à la mi-septembre, soit environ six semaines. Une fois la couche de gras enlevée, on laissait d’habitude les carcasses sur la grève où, si le temps était un peu chaud, elles se gonflaient des gaz des intestins et s’en allaient en dérive avec la marée haute et s’éparpillaient un peu partout. L’odeur pénétrante de ces carcasses pouvait rivaliser comme force et subtilité avec celle de la meilleure des pharmacies, et attirait les renards, les ours et d’autres animaux.

Un jour, en allant à l’extrémité est de la baie ici, je relevai des pistes d’ours sur le sable et les suivis. Je découvris, en effet, qu’un ours était à traîner une de ces carcasses du côté du bois. La dune de sable dans l’endroit était assez escarpée, mesurant environ vingt pieds de hauteur, cependant cet ours, un petit, était en train de traîner en haut de la dune cette carcasse qui pesait beaucoup plus que lui. Mon frère et moi nous lui tendîmes une attrape (dead fall) et nous l’eûmes le lendemain. C’était un ours d’un an.

En une certaine saison, tard en juillet, j’étais à pêcher le saumon dans la rivière de la Trinité. La journée était chaude et très ensoleillée, et nous avions franchi trois ou quatre portages. Juste au-dessus de notre dernier portage, il y avait une petite mare d’eau morte. En tirant le canot à terre, j’aperçus un gros ours. Il était sur son derrière, assis sur le bout d’une grosse épinette qui était tombée en travers la rivière et s’était cassée par le milieu. La tête de l’arbre avait été emporté par l’eau, mais les racines et le poids du tronc avaient retenu celui-ci sur place,