Page:Compte rendu des séances de l’Assemblée nationale législative, tome 2 (21 juillet-10 octobre 1849).djvu/639

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

RAPPORT FAIT PAR M. A. FOURNATIER AU NOM DE LA COMMISSION CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI SUR L'ÉTAT DE SIÈGE.

Messieurs,

La loi sur l'état de siège a pour objet principal de déterminer l'étendue des pouvoirs dont le Gouvernement doit être armé pour le salut de la société mise en péril. Elle dérive du plus incontestable et du plus sacré de tous les droits, celui de la conservation et de la légitime défense. Convaincue de cette vérité, l'assemblée constituante l'a mise au nombre des lois organiques destinées à compléter l'ensemble de notre droit public.
Ce n'est donc pas une loi d'exception contre laquelle puissent être essayées, au nom de la liberté menacée, de légitimes attaques. La Constitution elle-même en a décrété le principe et nous a confié le soin, ou plutôt imposé le devoir de la taire. Puisant son origine aux sources pures du droit naturel, son autorité, pour être reconnue, n'aurait pas eu même besoin de la sanction législative.
Lorsque, peu de jours après la proclamation de la République, une agression violente était dirigée contre l’état social prêt à s’abîmer dans le sang et dans les ruines ; que les plus généreux citoyens, accourus pour porter des paroles de conciliation et de paix, étaient impitoyablement assassinés par un atroce fanatisme ; qu'aux évangéliques exhortations du ministre des autels, il était répondu par des balles homicides, la société trouvait, sans aucun doute, dans l'immensité du péril, le droit de se sauver, et par la suspension des lois ordinaires, et par la concentration de toutes ses forces dans une seule main, à qui était confiée la plus grave et la plus sainte mission, celle du salut du pays.
Néanmoins, l'absence d'une loi spéciale, résumant dans un cadre complet les règles de cette matière importante, plaçant à côté de l'énergie de la répression des moyens préventifs non moins essentiels, se faisait sentir, et c'est à juste titre que le Gouvernement la réclame.
Les commotions douloureuses qui ont déjà si profondément agité le pays en ont écrit d'avance les articles divers. Les souvenirs d'un passé bien récent nous tracent la marche à suivre pour sauvegarder l'avenir contre des attaques nouvelles. Il ne s'agit, dans la réalité des choses, que de convertir en dispositions législatives les mesures que le pouvoir exécutif, investi de notre confiance, a jugées nécessaires aux jours de nus grandes calamités publiques.
Votre commission a eu d'abord à se prononcer sur la question d'urgence dont vous lui aviez renvoyé l'examen.
La solution affirmative ne pouvait être l'objet d'aucun doute.
Deux fois dans le cours d'une seule année Paris a été mis en état de siège, et il se trouve placé encore sous ce régime exceptionnel, dont il importe de consacrer irrévocablement les principes par un vote de l'Assemblée nationale.
Plusieurs départements de l'Est ont été frappés à leur tour d'une mesure semblable, et, dans leur intérêt, la même considération se présente.
Enfin, à la veille d'une prorogation déjà résolue, il est urgent de voler une loi qui détermine les pouvoirs spéciaux dont le président de la République doit, en votre absence, demeurer investi.
Il est urgent encore de décréter ce principe qui déclare l'état de siège jeté sur Paris incompatible avec cette prorogation elle-même, et équivalent à une convocation immédiate.
Par ces considérations diverses, la commission n'hésite donc [pas] à vous proposer de reconnaître et déclarer l'urgence.
L'économie du projet de loi se présente avec un caractère de simplicité qui permet d'embrasser d'un coup d'œil et de saisir sans effort les dispositions dont il se compose et la pensée qui les a inspirées.
Le premier chapitre indique les circonstances dans lesquelles l'état de siège peut être déclaré. Les cas de guerre et d'insurrection sont, aux termes du projet, les seuls où il soit permis de recourir à cette mesure extrême, dont il serait dangereux de faire un trop fréquent usage.
Les formes de la déclaration, résumées dans le chapitre deuxième, sont différentes selon les conjonctures.
Si l'Assemblée [nationale] est réunie, c'est à elle seule qu'il appartient de décréter cette grande mesure de salut public. Résumé de la souveraineté populaire, gardienne de toutes les libertés du pays, elle ne consentira à en suspendre l'exercice qu'en présence du danger de la République.
Mais si ce danger se déclare pendant la prorogation, si la sédition éclate dans les colonies, ou s'il s'agit de mettre en état de siège un poste ou une place de guerre, on ne saurait, sans exposer le pays aux plus irréparables catastrophes, exiger et attendre l'intervention de l'Assemblée [nationale].
Dans ces cas divers, le président de la République, de l’avis