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CIX

DE L’INTERPRÉTATION GÉOGRAPHIQUE DES PAYSAGES


Par le professeur Paul VIDAL de la BLACHE
Membre de l’Institut de France (Paris)


Depuis que la géographie pédagogique est sortie du cabinet où elle s’enfermait trop volontiers et qu’elle s’est mise à observer directement la nature, l’interprétation des paysages est devenue un de ses principaux objets. C’est un art délicat, sur lequel il n’est peut-être pas inutile d’attirer brièvement l’attention du Congrès. L’analyse et la synthèse y ont chacune leur rôle. L’analyse s’efforce de distinguer les traits hétérogènes qui entrent dans la composition d’un paysage ; et comme les causes passées et présentes s’entremêlent dans les formes du relief, ce genre d’interprétation tient un peu de l’exégèse. Mais d’autre part ce paysage forme un tout dont les éléments s’enchaînent et se coordonnent ; son interprétation exige une perception raisonnée de la synthèse vivante qu’il met sous nos yeux.

I. — Il est à peine besoin de dire que la plus large part, dans cette interprétation, doit être faite à l’étude des formes du terrain. Elles sont l’architecture du paysage, parfois le paysage même. Suivant qu’elles se présentent unies ou accidentées, molles ou heurtées, un certain style prévaut, d’où sort un avertissement, quand il arrivera que telle partie du spectacle qu’embrassent nos yeux, s’en écarte. Le cas ne se présente pas seulement dans des contrées très bouleversées, comme les Alpes. Il suffit que telle roche friable succède à telle roche dure ; il suffit que, comme dans le pays de Bray ou dans le Boulonnais, un simple bombement ait mis a nu des terrains de contexture différente, donnant plus de prise à l’érosion.