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paul vidal de la blache

que les groupements, cultures, mouvements et relations de l’homme n’échappent point à ce réseau de causes et d’effets. Les géographes de jadis se préoccupaient, — encore ne le faisaient-ils pas toujours, — d’expliquer la position des villes les plus importantes ; l’idée ne leur fût pas venue de porter leur attention sur les villages ou de plus humbles modes de groupements. Ce sont pourtant ces formes plus élémentaires qui révèlent le mieux les motifs que l’homme a eus de choisir telle place plutôt que telle autre pour s’y créer des conditions assurées d’existence. Tantôt son choix a été déterminé par l’affleurement de couches imperméables : des peupliers à moitié-hauteur des côteaux de l’Île-de-France annoncent aussi sûrement un village, ou du moins une ferme ou un château, que la présence d’une couche d’argile. Tantôt il a été attiré par la contiguïté sur une longue étendue de terrains différents permettant une combinaison de ressources, telle que bois, prairies et champs cultivés ; comme on le voit si bien en Lorraine sur les confins des grés et des calcaires coquillers. Ce n’est pas dans le pays où nous sommes qu’il serait nécessaire d’insister sur l’attraction qu’ont exercée les versants bien orientés, les terrasses à l’abri des inondations, les placages morainiques offrant des éléments variés de sol. On dirait donc qu’il y a des zones de prédilection où les établissements humains aient, pour ainsi dire, cristallisé, où très anciennement se soit formée une densité supérieure d’habitants. La région de la châtaigneraie dans le Vivarais et surtout en Corse, entre 40 et 800 mètres, en offre l’exemple très net. C’est ce qu’on pourrait appeler des types de peuplement.

Il est vrai que ces types sont sujets à se modifier, comme il arrive pour toutes les œuvres humaines. Ici les populations descendent des hauteurs vers la plaine ; c’est le cas, de nos jours, en Algérie, en Grèce, dans plusieurs régions de la Méditerranée. Ailleurs, les populations qui sous l’action de la nécessité s’étaient concentrées en villages, s’éparpillent en maisons isolées ; c’est par exemple le changement qui s’est produit en Scanie vers la fin du XVIIIe siècle. Enfin l’industrie moderne, différente de l’industrie antérieure qui n’avait besoin que d’une