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COMMERCE DU PAPYRUS EN GAULE

les maisons de tous les grands personnages[1]. Or de la multitude des feuilles de papyrus qu’ils ont noircies durant deux cents ans, nous ne possédons plus rien. À partir du viiie siècle personne n’éprouvant le besoin de s’encombrer des documents d’une administration périmée et d’une vie sociale disparue, ces paperasses ont été jetées au feu ou laissées à un abandon où elles n’ont pas tardé de périr. La rareté des actes mérovingiens ne doit donc pas nous faire illusion. Ils ne sont que les rari nantes échappés au gouffre de l’oubli. L’ironie de l’histoire a voulu que d’un temps où l’on a beaucoup écrit, il nous reste bien moins de choses que des époques postérieures où l’écriture était devenue un luxe. Qui nous dit, d’ailleurs, que ce n’est pas là le sort qui nous attend et qu’il ne viendra pas un moment où de nos déplorables et innombrables papiers de bois, les historiens de l’avenir ne trouveront plus trace ?

Nous serions certainement beaucoup mieux renseignés que nous ne le sommes sur le commerce du papyrus si justement tous les textes d’ordre administratif de l’époque mérovingienne n’avaient disparu. Nous en savons assez cependant pour être sûrs que l’on en trouvait toujours un approvisionnement considérable au port de Marseille. Une charte donnée à l’abbaye de Corbie par Chilpéric II le 29 avril 716 ne peut laisser là-dessus aucun doute[2]. Elle confirme deux chartes précédentes, perdues l’une et l’autre,

  1. Pour l’emploi de scribes chez les laïques, voy. Hist. Franc., IV, 46. Il s’agit d’un esclave du sénateur Felix « qui ad obsequium domini deputatus, ad studia litterarum cum eo positus, bene institutus emicuit. Nam de operibus Virgilii, legis Theodosianae libris artemque calculi aplene eruditus est ». Un peu plus loin, dans le même chapitre, il est question, à propos de la maison d’un citoyen de Clermont-Ferrand, du « libellare quo charte abdi solent », c’est-à-dire manifestement d’un meuble ou d’un réduit, bref d’une sorte de coffre-fort où l’on conservait les écrits importants.
  2. Le meilleur texte en a été publié par M. L. Levillain, Examen critique des chartes mérovingiennes et carolingiennes de l’abbaye de Corbie, p. 235 et suiv.