Page:Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, tome 001, 1835.djvu/195

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» Un fragment d’acide carbonique solide touché légèrement avec le doigt, glisse rapidement sur une surface polie, comme s’il était soulevé par l’atmosphère gazeuse dont il est sans cesse environné jusqu’à son entière disparition.

» Si l’on introduit quelques décigrammes de cette substance dans un petit flacon, en ayant soin de le boucher hermétiquement, l’intérieur se remplit d’une vapeur épaisse, et le bouchon ne tarde pas à être chassé avec violence.

» La vaporisation de l’acide carbonique solide est complète, et ne laisse que rarement une légère humidité, que l’on doit attribuer à l’action de l’air sur un corps très froid, et dont la température est de beaucoup inférieure à celle où s’opère la congélation du mercure.

» La promptitude et l’abondance avec lesquelles il se produit dans des cavités où l’air ni la vapeur d’eau qu’il tient en dissolution ne sauraient pénétrer, lui donnent un caractère qu’on ne peut méconnaître. Cependant, telle était l’étrangeté du fait de la solidification d’un gaz, que je ne m’étais pas fait moi-même une idée exacte de la nature de ce produit, avant l’expérience qui a eu lieu en présence de la commission.

» Au surplus, l’influence du refroidissement sur l’acide carbonique liquide, dont la force expansive se trouve ainsi annihilée vers le centième degré centigrade au-dessous de la glace fondante, commence à se manifester à une température beaucoup plus élevée : cette force expansive qui, à zéro, est égale à 36 atmosphères, n’est déjà plus que de 26 atmosphères, à vingt degrés au-dessous de zéro.

» Je crois devoir ajouter que le terme de cent degrés au-dessous de zéro, que j’assigne à la solidification de l’acide carbonique liquéfié, n’est point hypothétique. Dans l’expérience que j’ai faite en présence des membres de la commission, le thermomètre à alcool est descendu à −87°.

» En ajoutant à ces 87 degrés, 6 autres degrés dont la liqueur se serait contractée si la colonne thermométrique entière avait pu être soumise à l’action frigorifique, on aura pour la température réelle 93 degrés centigrades au-dessous de 0°, et ce nombre ne saurait être le maximum d’effet du chalumeau alimenté par l’acide carbonique liquide. »

Après la lecture de cette lettre, M. Arago annonce que les commissaires de l’Académie, MM. Thénard, Dulong et lui-même, ont été témoins de toutes les expériences rapportées par M. Thilorier. Il ajoute que l’acide carbonique solide peut être manié sans difficulté.