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Médecine.Extrait d’une lettre de M. Ch. Baudin, commandant le vaisseau le Triton, à M. Dupin, sur la manière dont le choléra a sévi à bord de l’escadre française de la Méditerranée.
Mahon, le 29 septembre 1835.

« Avant que cette lettre vous parvienne, vous aurez sans doute su que l’épidémie qui s’était déclarée à mon bord avec une violence extrême, a cessé tout-à-coup, après une semaine d’invasion. Il n’y a eu aucun nouveau cas depuis le 7, ni aucun décès depuis le 12. Mon second et trois officiers ont succombé. Aujourd’hui je considère le fléau comme entièrement éteint dans le vaisseau ; il a enlevé tout ce qu’il pouvait enlever ; il a fait tout son effet. Maintenant c’est le tour des autres navires. Le vaisseau le Nestor et la frégate la Victoire sont aussi frappés, mais pas à beaucoup près dans une aussi forte proportion que le Triton, bien qu’aucun vaisseau au monde ne soit plus aéré, plus sec, plus sain, que celui-ci.

» Ce fléau du choléra, si peu connu, si capricieux, a quelquefois une marche et des effets qui contredisent toutes les théories et même les observations les plus habituelles. Ainsi, on avait remarqué qu’en général il épargne les enfans et les très jeunes gens ; qu’il attaque peu les classes aisées et régulières dans leurs habitudes, réservant toutes ses sévérités pour les populations pauvres, pour celles qui habitent des lieux bas et humides, où l’air circule difficilement ; au contraire, à bord du Triton, le fléau a frappé dans une très forte proportion les officiers , les seconds-maîtres et quartiers-maîtres , les gabiers et les mousses . Il a par conséquent sévi sur les classes aisées et régulières, sur celles qui vivent le plus en plein air, et sur les très jeunes gens ; tandis qu’il a complétement respecté les caliers, qui habitent jour et nuit la fosse aux câbles, les cambusiers, magasiniers et autres habitans des parties du vaisseau les plus basses, de celles par conséquent qui sont le moins aérées et réputées les moins salubres. C’est un fait si bien établi que cette parfaite salubrité de la cale, que lorsque j’ai fait évacuer le vaisseau et caserné l’équipage sur l’île des Rois, où l’escadre américaine a aussi passé l’année dernière son temps de choléra, les caliers m’ont fait demander de rester à bord et de continuer d’habiter la fosse aux câbles. Tout le reste de l’équipage était enchanté d’aller à terre : eux seuls, non.

» Aux deux extrémités du faux-pont opposées, habitent les élèves et les