Page:Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, tome 042, 1856.djvu/130

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Ces moyens, dit-il, sont incomplets. Il affirme que les tentatives faites pour rattacher à la statistique les opérations de l’agriculture, de l’industrie et du commerce, ont ordinairement échoué : il signale les erreurs qu’on peut commettre en prenant pour point de départ des résultats de statistique officielle recueillis en des lieux divers, et sans être accompagnés des observations essentielles sur les conditions particulières des populations auxquelles sont rapportés des chiffres qui n’expriment par eux-mêmes que des résultats abstraits, desquels on ne peut pas tirer des conséquences absolues et rigoureuses.

Il est un point de vue plus juste et plus élevé, sous lequel on doit considérer la statistique obtenue chez les diverses nations sur un même ordre de faits et par des moyens officiels ou privés. Le véritable esprit scientifique consiste à ne demander à chaque ordre d’observations et de constatations que ce qu’il peut établir positivement.

Supposons, par exemple, que chez des peuples divers, ou chez le même peuple, à des époques différentes, on ait recensé d’une part le nombre des habitants, de l’autre le nombre des naissances et des décès annuels ; et qu’on en déduise la longueur de la vie moyenne égale dans un premier cas à vingt années, dans un deuxième à trente, et dans un troisième à quarante. Non-seulement une cause, mais cent causes diverses peuvent concourir à produire trois effets si différents. Si l’on assigne ces causes sans en avoir fait l’étude, et l’étude par l’observation consciencieuse, on peut être un sophiste, un esprit faux ou systématique ; on peut vouloir tromper les hommes pour abuser de leur confiance ou de leur crédulité ; on peut être un visionnaire, un imposteur même : on n’est plus un statisticien, c’est-à-dire un observateur mathématique et consciencieux de la vérité des faits pour ce qu’ils sont, et rien de plus.

À des constatations empruntées aux travaux des gouvernements, M. Le Play préfère des études particulières faites, pour chaque question importante, par des hommes en même temps éclairés et spéciaux. Ajoutons que plus d’une fois les gouvernements eux-mêmes ont choisi des hommes ayant ce double mérite, et les ont chargés de recueillir certains ordres de faits dont la statistique était déclarée indispensable.

Le savant auteur n’avait pas besoin d’une théorie, et surtout trop exclusive, pour recommander la méthode qu’il a suivie ; nous en reconnaissons le vrai mérite, et notre devoir est d’en faire apprécier la valeur.

Afin de comparer le sort des ouvriers dans les diverses parties de l’Europe, il ne fait pas seulement entrer en ligne de compte les salaires en ar-