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ou ni brusque ni rapide d’un point à un autre, ou d’un instant au suivant, de sorte que les variations puissent être exprimées par des développements de Taylor réduits à leurs premiers termes.

» Dans cette supposition, on peut voir, tout d’abord, que la théorie de Navier est pleinement rationnelle.

» Après avoir, en effet, l’année précédente (1821), fondé la mécanique des solides élastiques sur le fait bien avéré (ut tensio sic vis de Hooke) du développement d’attractions et répulsions intérieures proportionnelles aux petits changements de distance mutuelle qu’on fait subir à leurs parties, Navier, en 1822, a admis analogiquement, pour les fluides, que dans l’état de mouvement l’action statique de deux quelconques de leurs molécules très-proches se trouve « augmentée ou diminuée d’une quantité proportionnelle à la vitesse avec laquelle elles s’approchent ou s’éloignent l’une de l’autre. » Cauchy et Poisson, en 1828 et 1829, sous deux formes différentes, ont justifié cette hypothèse si naturelle, c’est-à-dire qu’ils l’ont rattachée manifestement au fait constaté relatif aux corps solides ; car Cauchy remarque[1] que dans les corps mous ou fluides, d’où les réactions élastiques ont disparu en tant que pouvant ramener complètement leurs états antérieurs, les tensions à chaque instant ne dépendent plus des changements totaux de forme éprouvé, mais seulement des changements qui viennent d’avoir lieu dans un instant très-court, ce qui revient bien à dire qu’elles dépendent des vitesses relatives actuelles ; et Poisson[2], entrant dans le détail de ce qui a dû se passer à plusieurs instants successifs, précédant celui où l’on est, suppose qu’à chacun d’eux les petits déplacements moléculaires relatifs, proportionnels à ces vitesses, engendrent des composantes de pression comme celles qui se développent dans un solide élastique, mais que la mobilité constituant l’état fluide les fait diminuer rapidement d’intensité pour faire place à des composantes nouvelles, en sorte qu’en faisant un calcul cumulatif des pressions actuellement engendrées et de ce qui reste des pressions antérieurement produites, diminuées suivant une loi arbitraire, il obtient, pour l’intérieur des masses fluides en mouvement, des formules de pression reproduisant les équations de Navier.

» Comme le mystère de la fluidité n’est pas encore dévoilé, on ne sait sans doute pas pourquoi les molécules fluides glissent facilement les unes devant les autres, de manière à diminuer promptement et à effacer bientôt les actions dynamiques développées à chaque instant par les rapprochements

  1. Exercices de mathématiques, 3e année, p. 185.
  2. Journal de l’École Polytechnique, 20e cahier, p. 152.