Page:Comte - Discours sur l’esprit positif.djvu/26

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manière plus ou moins subtile, d’après des principes confus, qui, ne comportant aucune preuve suffisante, suscitaient toujours des débats sans issue. Elle reconnaît désormais, comme règle fondamentale que toute proposition qui n’est pas strictement réductible à la simple énonciation d’un fait, ou particulier ou général, ne peut offrir aucun sens réel et intelligible. Les principes qu’elle emploie ne sont plus eux-mêmes que de véritables faits, seulement plus généraux et plus abstraits que ceux dont ils doivent former le lien. Quel que soit d’ailleurs le mode, rationnel ou expérimental, de procéder à leur découverte, c’est toujours de leur conformité, directe ou indirecte, avec les phénomènes observés que résulte exclusivement leur efficacité scientifique. La pure imagination perd alors irrévocablement son antique suprématie mentale, et se subordonne nécessairement à l’observation, de manière à constituer un état logique pleinement normal, sans cesser néanmoins d’exercer, dans les spéculations positives, un office aussi capital qu’inépuisable, pour créer ou perfectionner les moyens de liaison, soit définitive, soit provisoire. En un mot, la révolution fondamentale qui caractérise la virilité de notre intelligence consiste essentiellement à substituer partout, à l’inaccessible détermination des causes proprement dites, la simple recherche des lois, c’est-à-dire des relations constantes qui existent entre les phénomènes observés. Qu’il s’agisse des moindres ou des plus sublimes effets, de choc et de pesanteur comme de pensée et de moralité, nous n’y pouvons vraiment connaître que les diverses liaisons mutuelles propres à leur accomplissement, sans jamais pénétrer le mystère de leur production.