Page:Comte - Discours sur l’esprit positif.djvu/60

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philosophie écarte radicalement, il est vrai, toutes les questions nécessairement insolubles : mais, en motivant leur rejet, elle évite de rien nier à leur égard, ce qui serait contradictoire à cette désuétude systématique, par laquelle seule doivent s’éteindre toutes les opinions vraiment indiscutables. Plus impartiale et plus tolérante envers chacune d’elles, vu, sa commune indifférence, que ne peuvent l’être leurs partisans opposés, elle s’attache à apprécier historiquement leur influence respective, les conditions de leur durée et les motifs de leur décadence, sans prononcer jamais aucune négation absolue, même quand il s’agit des doctrines les plus antipathiques à l’état présent de la raison humaine chez les populations d’élite. C’est ainsi qu’elle rend une scrupuleuse justice, non seulement aux divers systèmes de monothéisme autres que celui qui expire aujourd’hui parmi nous, mais aussi aux croyances polythéiques, ou même fétichiques, en les rapportant toujours aux phases correspondantes, de l’évolution fondamentale. Sous l’aspect dogmatique, elle professe d’ailleurs que les conceptions quelconques de notre imagination, quand leur nature les rend nécessairement inaccessibles à toute observation, ne sont pas plus susceptibles dès lors de négation que d’affirmation vraiment décisives. Personne, sans doute, n’a jamais démontré logiquement la non existence d’Apollon, de Minerve, etc., ni celle des fées orientales ou des diverses créations poétiques ; ce qui n’a nullement empêché l’esprit humain d’abandonner irrévocablement les dogmes antiques, quand ils ont enfin cessé de convenir à l’ensemble de sa situation.

Le seul caractère essentiel du nouvel esprit philosophique qui ne soit pas encore indiqué directement par