Page:Comte - Discours sur l’esprit positif.djvu/65

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à la fois, ni surtout avec une égale vitesse, sur les diverses classes de spéculations abstraites, toutes primitivement théologiques, comme nous l’avons reconnu. Cette constante impulsion concrète n’y pouvait faire pénétrer l’esprit positif que suivant un ordre déterminé, conforme à la complication croissante des phénomènes, et qui sera directement expliqué ci-dessous. La positivité abstraite, nécessairement née dans les plus simples études mathématiques, et propagée ensuite par voie d’affinité spontanée ou d’imitation instinctive, ne pouvait donc offrir d’abord qu’un caractère spécial et même, à beaucoup d’égards, empirique, qui devait longtemps dissimuler, à la plupart de ses promoteurs, soit son incompatibilité inévitable avec la philosophie initiale, soit surtout sa tendance radicale à fonder un nouveau régime logique. Ses progrès continus, sous l’impulsion croissante de la raison vulgaire, ne pouvaient alors déterminer directement que le triomphe préalable de l’esprit métaphysique, destiné, par sa généralité spontanée, à lui servir d’organe philosophique, pendant les siècles écoulés entre la préparation mentale du monothéisme et sa pleine installation sociale, après laquelle le régime ontologique, ayant obtenu tout l’ascendant que comportait sa nature, est bientôt devenu oppressif pour l’essor scientifique, qu’il avait jusque-là secondé. Aussi l’esprit positif n’a-t-il pu manifester suffisamment sa propre tendance philosophique quand il s’est trouvé enfin conduit, par cette oppression, à lutter spécialement contre l’esprit métaphysique, avec lequel il avait dû longtemps sembler confondu. C’est pourquoi la première fondation systématique de la philosophie positive ne saurait remonter au-delà de la mémorable