Page:Comte - Discours sur l’esprit positif.djvu/71

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les gouvernés, de profondes convictions actives. Leur antagonisme continue pourtant à les alimenter mutuellement, sans qu’aucun d’eux puisse davantage comporter une véritable désuétude qu’un triomphe décisif ; parce que notre situation intellectuelle les rend encore indispensables pour représenter, d’une manière quelconque, les conditions simultanées, d’une part de l’ordre, d’une autre part du progrès, jusqu’à ce qu’une même philosophie puisse y satisfaire également, de manière à rendre enfin pareillement inutiles l’école rétrograde et l’école négative, dont chacune est surtout destinée aujourd’hui à empêcher l’entière prépondérance de l’autre. Néanmoins, les inquiétudes opposées, relatives à ces deux dominations contraires, devront naturellement persister à la fois, tant que durera cet interrègne mental, par une suite inévitable de cette irrationnelle scission entre les deux faces inséparables du grand problème social. En effet, chacune des deux écoles, en vertu de son exclusive préoccupation, n’est plus même capable désormais de contenir suffisamment les aberrations inverses de son antagoniste. Malgré sa tendance antianarchique, l’école théologique s’est montrée, de nos jours, radicalement impuissante à empêcher l’essor des opinions subversives, qui, après s’être développées surtout pendant sa principale restauration, sont souvent propagées par elle, pour de frivoles calculs dynastiques. Semblablement, quel que soit l’instinct antirétrograde de l’école métaphysique, elle n’a plus aujourd’hui toute la force logique qu’exigerait son simple office révolutionnaire, parce que son inconséquence caractéristique l’oblige à admettre les principes essentiels de ce même système dont elle attaque sans cesse les vraies conditions d’existence.