Page:Comte - Discours sur l’esprit positif.djvu/72

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Cette déplorable oscillation entre deux philosophies, opposées, devenues également vaines, et ne pouvant s’éteindre qu’à la fois, devait susciter le développement d’une sorte d’école intermédiaire, essentiellement stationnaire, destinée surtout à rappeler directement l’ensemble de la question sociale, en proclamant enfin comme pareillement nécessaires les deux conditions fondamentales qu’isolaient les deux opinions actives. Mais, faute d’une philosophie propre à réaliser cette grande combinaison de l’esprit d’ordre avec l’esprit de progrès, cette troisième impulsion reste logiquement encore plus impuissante que les deux autres, parce qu’elle systématise l’inconséquence, en consacrant simultanément les principes rétrogrades et les maximes négatives, afin de pouvoir les neutraliser mutuellement. Loin de tendre à terminer la crise, une telle disposition ne pourrait aboutir qu’à l’éterniser, en s’opposant directement à toute vraie prépondérance d’un système quelconque, si on ne la bornait pas à une simple destination passagère, pour satisfaire empiriquement aux plus graves exigences de notre situation révolutionnaire, jusqu’à l’avènement décisif des seules doctrines qui puissent désormais convenir à l’ensemble de nos besoins. Mais, ainsi conçu, cet expédient provisoire est aujourd’hui devenu aussi indispensable qu’inévitable. Son rapide ascendant pratique, implicitement reconnu par les deux partis actifs, constate de plus en plus, chez les populations actuelles, l’amortissement simultané des convictions et des passions antérieures, soit rétrogrades, soit critiques, graduellement remplacées par un sentiment universel, réel quoique confus, de la nécessité, et même de la possibilité, d’une conciliation permanente entre l’esprit de conservation