Page:Comte - Discours sur l’esprit positif.djvu/85

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’ici passagère, entre les besoins intellectuels et les besoins moraux.


Bien loin que l’assistance théologique soit à jamais indispensable aux préceptes moraux, l’expérience démontre, au contraire, qu’elle leur est devenue, chez les modernes, de plus en plus nuisible, en les faisant inévitablement participer, par suite de cette funeste adhérence, à la décomposition croissante du régime monothéique, surtout pendant les trois derniers siècles. D’abord, cette fatale solidarité devait directement affaiblir, à mesure que la loi s’éteignait, la seule base sur laquelle se trouvaient ainsi reposer des règles qui, souvent exposées à de graves conflits avec des impulsions très énergiques, ont besoin d’être soigneusement préservées de toute hésitation. L’antipathie croissante que l’esprit théologique inspirait justement à la raison moderne, a gravement affecté beaucoup d’importantes notions morales, non seulement relatives aux plus grands rapports sociaux, mais concernant aussi la simple vie domestique, et même l’existence personnelle : une aveugle ardeur d’émancipation mentale n’a que trop entraîné d’ailleurs à ériger quelquefois le dédain passager de ces salutaires maximes en une sorte de folle protestation contre la philosophie rétrograde d’où elles semblaient exclusivement émaner. Jusque chez ceux qui conservaient la foi dogmatique, cette funeste influence se faisait indirectement sentir, parce que l’autorité sacerdotale, après avoir perdu son indépendance politique, voyait aussi décroître de plus en plus l’ascendant social indispensable à son efficacité morale. Outre cette impuissance croissante pour protéger les règles morales, l’esprit théologique leur a