Page:Comte - Discours sur l’esprit positif.djvu/84

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l’ascendant même de la théologie ; les préceptes moraux, ainsi que tous les autres, ont été de plus en plus ramenés à une consécration purement rationnelle, à mesure que le vulgaire est devenu plus capable d’apprécier l’influence réelle de chaque conduite sur l’existence humaine, individuelle ou sociale. En séparant irrévocablement la morale de la politique, le catholicisme a dû beaucoup développer cette tendance continue ; puisque l’intervention surnaturelle s’est ainsi trouvée directement réduite à la formation des règles générales, dont l’application particulière était dès lors essentiellement confiée à la sagesse humaine. S’adressant à des populations plus avancées, il a livré à la raison publique une foule de prescriptions spéciales que les anciens sages avaient cru ne pouvoir jamais se passer des injonctions religieuses, comme le pensent encore les docteurs polythéistes de l’Inde, par exemple quant à la plupart des pratiques hygiéniques. Aussi peut-on remarquer, même plus de trois siècles après saint Paul, les sinistres prédictions de plusieurs philosophes ou magistrats païens, sur l’imminente immoralité qu’allait entraîner nécessairement la prochaine révolution théologique. Les déclamations actuelles des diverses écoles monothéiques n’empêcheront pas davantage l’esprit positif d’achever aujourd’hui, sous les conditions convenables, la conquête, pratique et théorique, du domaine moral, déjà spontanément livré de plus en plus à la raison humaine, dont il ne nous reste surtout qu’à systématiser enfin les inspirations particulières. L’Humanité ne saurait, sans doute, demeurer indéfiniment condamnée à ne pouvoir fonder ses règles de conduite que sur des motifs chimériques, de manière à éterniser une désastreuse opposition, jus-