Page:Conan - Angéline de Montbrun, 1919.djvu/156

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poisson qu’il va vendre quatre sous la douzaine. Et pourtant comme sa vie me semble douce ! Elle a la santé, la beauté.

Un de ces jours, un honnête homme l’aimera, et en l’aimant deviendra meilleur. Son cœur est calme, son âme sereine. Elle ne connaît pas les amères tristesses, les dévorants regrets. Mon Dieu, faites qu’elle les ignore toujours, et donnez-moi la paix — la paix du cœur, en attendant la paix du tombeau.


4 juin.

Je viens d’apprendre que Mlle Désileux est morte hier à sa ferme des Aulnets. Pauvre fille ! quelle triste vie !

Mon père disait qu’elle avait un grand cœur. Il me menait la voir de temps en temps, et les premières fois, je me rappelle encore, avec quel soin il me recommandait d’être gentille avec elle, de ne pas avoir l’air de remarquer son affreuse laideur.

— Vois-tu, disait-il, elle sait qu’elle est affreuse, et il faut tâcher de lui faire oublier cette terrible vérité.