Page:Conan - Angéline de Montbrun, 1919.djvu/286

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Pourquoi m’avez-vous aimée ? Pourquoi ai-je tant assombri votre jeunesse ? Et pourtant, nous avons été heureux ensemble. Vous rappelez-vous comme la vie nous apparaissait belle ? Mais il n’est pas de main qui prenne l’ombre, ni qui garde l’onde.

Mon cher ami, nous l’avions bien oublié. Dites-moi, si cet enchantement de l’amour et du bonheur se fût continué, que serions-nous devenus ? Comment aurions-nous pu nous résigner à mourir ? Mais le prestige s’est vite dissipé, et nous savons maintenant que la vie est une douleur.

Sans doute, la bonté divine n’a pas voulu qu’elle fût sans consolations, et nos pauvres tendresses restent le meilleur adoucissement à nos peines. Mais nul ne choisit sa voie et les adoucissements ne sont pas pour moi.

Non, si le Dieu de toute bonté m’a fait passer par de si cruelles douleurs, ce n’est pas pour que je me reprenne aux affections et aux joies de ce monde. Je le vois clairement depuis que je vous sais ici ; et une force étrange me reporte à ce moment où mon père mourant m’attira à lui, après sa communion suprême : « Amour sauveur, répétait-il,