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ÉLISABETH SETON

de tristesse, qu’au premier moment la prière elle-même a été impuissante à me soulager. De ma petite chambre, j’ai regardé longtemps au loin la pleine mer ; plus près, les vagues qui se brisaient contre les hauts rochers, aux abords de cette prison. Elles montaient, toutes écumantes, jusqu’à la hauteur de nos murailles. J’ai fini par rentrer en moi. J’ai vu que j’étais là, offensant Dieu, mon unique ami, mon unique ressource dans mon malheur. La prière que j’ai faite pour obtenir force et pardon m’a apporté la paix ; j’ai pu revenir auprès de mon William, la sérénité sur le visage. On venait de tirer les verrous de notre porte ; le pauvre Filippo, dans sa peur d’approcher de trop près, avait déposé une jatte de lait pour nous, sur le seuil de notre chambre. Anna et William ont pris un peu de pain trempé dans ce lait ; et moi, tout en marchant de long en large, une croûte de pain avec un peu de vin. William ne pouvait se tenir assis. Une crise lui est, revenue, et avec elle toute l’agonie de mon âme. Voir mon mari gisant sur ces carreaux glacés, sans feu, gémissant et grelottant ! Ses yeux tristes, presque éteints, fixés sur mon visage, tandis que ses larmes coulaient sur son oreiller, sans qu’il prononçât un mot. Anna se mit à frotter l’une de ses mains, moi l’autre, jusqu’à ce que la chaleur de la fièvre fût survenue. Le commandant[1] est venu nous apporter la nouvelle que notre quarantaine est abrégée de cinq jours. Il m’a dit qu’on devait toujours demeurer content dans l’accomplissement des desseins de la Providence, etc. Notre réponse n’a été qu’une suite de sanglots, aussi n’a-t-il pas tardé à s’éloigner.

M. Filicchi est venu pour consoler mon William. Après qu’il nous eut quittés, nous avons récité de nos chères prières autant qu’en a pu suivre William. Après, j’ai été obligée de laisser reposer un peu ma tête. On nous a en-

  1. Un des gardes du lazaret.