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ÉLISABETH SETON

comme si elle avait passé dans la sienne. Je ne la quitte ni jour ni nuit, toujours assise ou couchée auprès de son lit, dans ce pays étranger et si beau. Ma sœur, ma chérie, que nous serions heureuses, si nous croyions ce qu’elles croient ces chères âmes !… Ils possèdent par leur foi leur Dieu dans le sacrement ; ils le trouvent dans leurs églises, ils le voient venir à eux lorsqu’ils sont malades. Hélas ! hélas ! quand le saint Sacrement passe sous mes fenêtres, et que je sens le complet isolement et la tristesse de ma situation, mes larmes ne peuvent plus s’arrêter. Mon Dieu, que je serais heureuse, même éloignée comme je le suis de tout ce qui m’est cher, si je pouvais comme eux vous trouver à l’église ! Et même ici, il y a une chapelle dans la maison même de M. Filicchi ; — que de choses je vous dirais des chagrins de mon cœur et des péchés de ma vie ! L’autre jour, dans un moment d’excessive détresse, je tombai à genoux sans y penser, tandis que le saint Sacrement passait ; je criai vers Dieu dans une sorte d’agonie, le suppliant de me bénir, s’il était là, vraiment présent. « Mon âme ne désire que vous ! » lui disais-je.

« Quand je me relevai, après bien des soupirs et des larmes, le petit livre de prières, que Mme Filicchi avait donné à Annina, se trouvait ouvert sous mes yeux à l’endroit de la prière de saint Bernard à la sainte Vierge : Memorare. Avec quelle ferveur je le récitai ! Pendant que je priais, je sentis que j’avais une mère… Vous savez les rêveries de mon pauvre cœur, qui se lamentait si souvent de ce que j’avais perdu ma mère aux jours de ma tendre enfance. Quand je remonte aux souvenirs les plus lointains de mon jeune âge, je me vois toujours, au plus fort de mes jeux et de leur enivrement, levant les yeux vers les nuages, pour y chercher ma mère. Je venais de la trouver ce jour-là. J’avais trouvé même plus qu’une mère pour la tendresse et la compassion. Je pleurais ; et tout en pleurant, je m’endormis doucement. »