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Page:Conan - Elisabeth Seton, 1903.djvu/64

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ÉLISABETH SETON

sée du bonheur inexprimable qu’elle allait posséder me fit imposer silence à la voix de la nature. »


À cette heure accablante, la nature pourtant devait crier bien haut. Élisabeth savait quel affreux vide l’annonce de sa résolution allait faire autour d’elle. En perdant Rébecca, elle perdait la sympathie, le soutien sur lequel elle avait compté. « Pas une de mes peines, pas une de mes épreuves qu’elle n’eût fait tout sienne » disait-elle plus tard.


XII


Filippo Filicchi connaissait personnellement Mgr Carroll[1]. Pendant son séjour en Amérique, il avait même eu avec lui d’étroits rapports, et il désirait qu’il achevât l’œuvre commencée à Livourne. Il croyait que l’évêque des États-Unis pouvait mieux que personne aviser la convertie ; et en se séparant de Mme Seton, il lui avait donné une chaleureuse recommandation. Mais toute à sa sœur mourante, elle avait différé d’envoyer la lettre à Mgr Carroll.

Antonio Filicchi n’était plus à New-York, mais à Boston où ses affaires le retenaient, et il pressait Élisabeth de ne pas tarder davantage à déclarer qu’elle abandonnait le protestantisme. Se croyant inébranlable, elle n’hésita pas à suivre ce conseil peu prudent.

On sait qu’aux États-Unis le catholicisme était alors en exécration et en mépris. Le seul nom de papiste y soulevait le cœur. Dans le Maryland, la foi avait été presque aussitôt étouffée par les sectaires ingrats que la charité avait reçus à bras ouverts. Toutes les sectes s’unissaient dans cette violente passion contre l’Église romaine, et la conversion d’un protestant au catholicisme entraînait une véritable déchéance sociale.

  1. Évêque de Baltimore et premier évêque des États-Unis.