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AUX CANADIENNES

Dans la vie sociale et dans la vie domestique ce préjugé a tout pénétré.

Vous le savez, Mesdames, dans la plupart des familles, on boit à propos de tout : quand on a froid pour se réchauffer, quand on a chaud pour se rafraîchir et pour éviter un refroidissement ; on boit parce que l’appétit fait défaut, parce que la digestion est laborieuse ; on boit parce qu’on va travailler, parce qu’on est fatigué, parce qu’on est triste, parce qu’on est malade.

On croirait mal accueillir un ami si l’on ne lui faisait prendre un petit verre ; et quand on reçoit il faut offrir des spiritueux à ses hôtes.

Je vous le demande, y a-t-il chez nous bien des fêtes, bien des réunions où les liqueurs enivrantes ne circulent pas ?

On boit aux noces, aux baptêmes, aux funérailles — dans toutes les circonstances importantes, joyeuses ou douloureuses de la vie.

Ces pernicieuses habitudes ont des racines profondes et sont chères au peuple.

Je ne parle pas contre mon pays — Dieu m’en garde ! — je parle pour mon pays. Ayons le courage de le reconnaître, dans nos mœurs