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L'OBSCURE SOUFFRANCE

Parfois, je songe que, si nous lisions dans les âmes, bien des paroles, bien des actes qui nous blessent cruellement, seraient fort atténués. La tyrannie de la passion, la souffrance, l’humeur, les travers d’esprit excusent probablement bien des torts. Heureux ceux qui ont la généreuse bonté, la largeur d’âme.

Mais les souffrances arides et continuelles gâtent le caractère. Les jours s’écoulent, nous laissant toujours plus ennuyés, plus irrités. Le cœur s’aigrit, se remplit de fiel. Le contact constant, les détails de la vie domestique, source de tant de plaisirs quand il y a de l’affection, deviennent un supplice.

On plaint les malheurs éclatants. On s’intéresse à ce qu’on appelle les grandes douleurs. Oh ! que les chagrins misérables me semblent plus difficiles à supporter. Les peines les plus cruelles sont celles dont on rougit, dont on n’oserait pas parler. Mais si la charité oblige envers tous, combien plus envers les siens.

Il faudrait savoir s’aveugler, le cœur devrait incliner l’esprit à l’indulgence. Dans l’alcoolisme, il faudrait voir surtout la détresse suprême de l’âme.