Page:Conan - La Vaine Foi, 1921.djvu/20

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Je pris le cigare allumé qu’il tenait entre ses doigts, j’en fis tomber la cendre et lui dis :

— Les choses de ce monde ont-elles plus d’importance que la fumée et la cendre de votre cigare ?

— Pourquoi t’arrêter à ces désolantes exagérations ? me dit-il. Il faut réagir contre les impressions funèbres. Parce que tu as vu mourir, la terre n’a pas pris le deuil. Il ne faut pas croire qu’il n’y a plus d’espérances, plus de joies. C’est une ingratitude. Et me montrant le jardin ensoleillé : Vois comme tout est beau.

D’après lui, il faut regarder la terre sous ses aspects aimables et ne pas assombrir ses belles années. La grande tristesse, conclut-il, c’est d’avoir eu vingt-cinq ans et de ne les avoir plus.

Ce soir, il m’a surprise à ma fenêtre, la tête levée vers les étoiles, et m’a plaisantée gaiement sur ce qu’il appelle le goût de l’astre, le vagabondage dans les espaces.

— On assure qu’il faut des milliers d’années pour que disparaisse la lumière d’un astre éteint ? lui demandai-je.

— Ce que je sais, répondit-il, c’est qu’il faut te ramener en ce monde… il faut te distraire.

Et avec cette virile autorité du geste, qui me plaît chez lui, il ajouta :

— Tu iras au bal de Mme V… Je veux te revoir avec ces lueurs de fêtes qui te seyaient si bien.