qu’il destinait à cette emplette. Jean l’ayant appris, lui dit avec cet accent qui subjuguait tous les cœurs :
« Mon frère Troïle, aimez, soulagez les frères de Jésus-Christ ».
Malgré son avarice, l’évêque fut touché. Il ordonna de distribuer les trente livres d’or aux pauvres, et l’ordre fut à l’instant exécuté. Mais, dans ce cœur dur, la sainte impression fut bien fugitive.
L’or était à peine donné que l’avare ressentit un regret terrible, tellement qu’il fut pris de tremblement, de frissons convulsifs qui l’obligèrent de se mettre au lit en rentrant chez lui. Le patriarche l’ayant fait prier de venir dîner, il s’en excusa sur ce qu’il était travaillé de la fièvre.
Jean comprit que le don des trente livres d’or avait causé cette maladie. Quittant la table, il se rendit auprès de l’évêque et lui dit gaiement :
« Mon frère Troïle, ce que vous avez donné aux pauvres sur ma demande, je considère que je vous l’ai emprunté, et je vous le rapporte ».
En entendant ces mots, l’avare se trouva subitement guéri. Sans faire la moindre objection, il reprit l’or qu’il avait donné.
« Maintenant, lui dit Jean souriant, vous allez m’abandonner, par écrit, la récompense que vous auriez reçue de Dieu pour cette aumône.
Troïle y consentit volontiers. Il écrivit la renonciation en ces termes : Mon Dieu, récompensez monseigneur Jean, très saint patriarche d’Alexandrie, de trente livres d’or qu’il vous a données et qu’il m’a rendues.
Cela fait, il remit le papier au saint, et, guéri, joyeux, dispos, s’en alla dîner avec lui. Mais la nuit suivante, l’avare vit en songe un palais d’une beauté si extraordinaire, si merveilleuse, qu’auprès les plus magnifiques édifices de la terre n’auraient semblé que des taudis. Le portail lui parut d’or pur et au-dessus, il lut : C’est ici la demeure éternelle et bienheureuse de l’évêque Troïle.
Dans un saisissement de joie inexprimable, Troïle