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Page:Conan - Physionomies de saints, 1913.djvu/117

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SAINT JEAN L’AUMÔNIER

vous, allez d’abord vous réconcilier avec votre frère.

Pour obéir au commandement du Seigneur, il dit au diacre de recommencer l’oraison et de la répéter jusqu’à son retour, puis, descendant de l’autel, il se rendit à la sacristie et envoya vingt de ceux qui étaient de semaine à la recherche de l’ecclésiastique. Dieu permit, dit le vieux récit, qu’on le trouva à l’instant même. On le conduisit au saint qui se mit à genoux devant lui, et lui dit : « Pardonnez-moi mon frère ».

En entendant ces paroles, en voyant à ses pieds le patriarche vénéré de tous, cet homme se mit à trembler de frayeur, croyant que le feu du ciel allait tomber sur lui. Il se prosterna en confessant sa faute, en implorant pardon et miséricorde.

Jean rentra à l’église pour continuer la messe. L’ecclésiastique servit à l’autel et, depuis ce jour, vécut si purement qu’il mérita d’être ordonné prêtre.

Avec une charité céleste Jean s’appliquait à réconcilier ceux que la haine divisait. L’un des plus grands seigneurs d’Alexandrie en haïssait mortellement un autre. Bien des fois, le saint avait tâché de l’adoucir, mais toujours inutilement. Voyant cela, il le fit prier de le venir trouver et l’engagea à entendre la messe dans sa chapelle, où il ne laissa entrer avec le seigneur que celui qui devait servir à l’autel. Après la consécration, comme ils récitaient tous ensemble l’oraison dominicale, quand on en fut à la demande : Pardonnez-nous, etc., le patriarche se tut et fit signe au servant de se taire aussi, de sorte que le seigneur prononça seul les paroles : Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.

Alors le saint, se tournant de son côté, lui dit avec une pénétrante douceur :

« Pensez, je vous en supplie, à ce que vous venez de dire à Dieu dans ce moment terrible des saints mystères ».

Ces mots terrassèrent cet homme endurci. Il lui sembla ressentir la cruelle atteinte du feu éternel. Saisi d’effroi, il déclara qu’il pardonnait à son ennemi