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SAINT JEAN L’AUMÔNIER

Le patriarche envoya aussitôt chercher son compagnon de voyage et, le visage tout brillant de larmes, lui dit :

» — Vous me vouliez mener vers l’empereur de la terre, mais celui du ciel me fait la grâce, si indigne que j’en sois, de me commander d’aller à Lui ».

Il lui raconta comment un ange lui était apparu.

Partagé entre la douleur de le perdre et la joie de le voir s’en aller au ciel, Nicétas se jeta à ses pieds et lui demanda sa bénédiction pour lui et pour l’empereur.

Jean la donna avec une tendresse incomparable et, rebroussant chemin, s’embarqua pour l’île de Chypre, sa patrie, où il voulut mourir.

À peine arrivé à Amathonte, lieu de sa naissance, il dicta son testament en ces termes :

« Je vous rends grâces très humblement, Seigneur, de la grâce que vous m’avez faite de m’élever à la dignité du sacerdoce. J’ai eu à ma disposition une très grande quantité d’or et d’argent ; des sommes quasi infinies m’ont été mises entre les mains par les serviteurs de Jésus-Christ, mais vous m’avez fait la faveur de reconnaître que toutes ces choses vous appartenaient comme au Créateur de l’univers, et, par votre grâce, ô mon Dieu, je n’ai point différé de vous donner ce qui était déjà à vous, et, si misérable que je sois, vous avez daigné exaucer la prière que je vous ai faite de n’avoir à ma mort qu’une pièce de monnaie : il ne me reste qu’un tiers de sou que je veux qu’on donne aux pauvres, puisqu’il ne vous appartient pas moins que tout le reste ».

Et, recommandant son âme à Dieu, le grand patriarche d’Alexandrie expira.

Il fut inhumé à Amathonte, en l’église de saint Tycon. Lorsqu’on déposa le corps dans le tombeau, deux évêques, qui y reposaient déjà, se reculèrent comme s’ils eussent été vivants, pour lui faire place.