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PHYSIONOMIES DE SAINTS

et réduit à toute extrémité. Il espérait mourir et ses atroces souffrances n’altéraient pas sa joie. Mais l’heure de la récompense n’était pas venue. « Dieu le guérit, dit la bulle de canonisation, et il reprit son ministère de charité qu’il exerça avec encore plus de zèle jusqu’à la fin de l’épidémie ».

Cet héroïsme avait ému l’Andalousie entière, et partout où le P. Solano passa, en retournant à son couvent, il se produisit un élan irrésistible. On l’acclamait, on le bénissait. C’était à qui l’approcherait de plus près et lui donnerait les marques les plus vives de vénération. La crainte de la contagion n’arrêtait personne. On ne croyait pas que le P. Solano pût la communiquer ; et son retour fut une ovation continuelle.

L’humilité du saint s’en alarmait, et la réception que ses frères lui firent ne fut pas pour calmer ses craintes.

En vain changea-t-il de couvent. Son nom avait retenti dans toute l’Espagne ; la vénération l’accueillait partout, et partout aussi la compassion lui faisait faire des miracles. Ses frères eux-mêmes ne savaient plus dissimuler l’admiration qu’il leur inspirait.

Le P. Solano en souffrait beaucoup. Il voulait continuer sa vie d’immolation, mais à l’abri des vains applaudissements des hommes, et rêvait de solitudes profondes où il pût cacher à jamais ses travaux.

Sa pensée s’arrêta d’abord à la terre d’Afrique. Il écrivit au général de l’Ordre implorant la grâce d’y aller travailler à la conversion des infidèles. Sa demande fut rejetée. La Providence avait sur lui d’autres vues — elle le destinait aux Indiens de l’Amérique du Sud.

C’est en 1589 que François Solano eut permission de se consacrer à ces missions lointaines. Jamais encore il n’avait quitté sa patrie, la belle Andalousie.

Rien n’attendrit le cœur comme l’exil volontaire ou non. Tous les souvenirs dormants, qui attachent au pays, se réveillent à l’approche de la séparation, et