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SAINT ISIDORE

heur. Il priait comme il respirait. Le ciel et la terre lui criaient sans cesse d’aimer Dieu et, pendant que sa main conduisait la charrue, il le louait, le bénissait en son cœur.

Les esprits célestes, dont il faisait ainsi l’office, venaient au besoin l’aider dans son travail. À côté du saint laboureur on apercevait parfois deux anges conduisant chacun une charrue attelée de bœufs blancs.

Isidore ne les voyait point, mais sa femme les voyait souvent quand elle venait lui porter à dîner. Craignant d’exposer son mari à l’orgueil, elle ne lui en dit pourtant jamais rien.

Jean de Vergas fut moins discret. L’amitié qu’il témoignait à Isidore avait fait quelques jaloux parmi ses employés. Ils s’ingéniaient sans cesse à nuire au saint et dirent un jour à Jean de Vergas :

« — Isidore passe ses matinées à courir les églises. Il ne vient jamais à l’heure. Nous vous en avertissons, parce que cela vous porte préjudice.

Le gentilhomme fit venir son fermier.

— J’entends la messe tous les jours, répondit-il à ses reproches, et pour rien au monde, je n’y voudrais manquer. Mais soyez tranquille, vous n’y perdez rien et vous en aurez la preuve à la moisson ».

Les accusations continuèrent. Le propriétaire s’inquiéta ; il voulut voir à quelle heure Isidore se mettait à l’ouvrage. Il sortit donc un jour de grand matin, et, caché derrière un rocher, constata que son fermier arrivait plus tard que les autres.

Plein de colère, il s’avançait pour lui reprocher sa conduite, quand il vit tout à coup, à chaque côté de la charrue du saint, deux autres charrues tirées par des bœufs blancs.

Il regarde avec étonnement et, pour comble de surprise, comme il s’approche, les attelages et leurs mystérieux conducteurs s’évanouissent.

Fort radouci, le seigneur aborde son fermier amicalement et lui dit :

« — Au nom du ciel, quels sont ces deux hommes qui t’aidaient à labourer ?