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SAINTE CATHERINE DE SIENNE

Église, la douce Épouse toute pâle, toute démembrée ».

Savonarole, cent vingt ans après, n’eut pas de cris plus énergiques, plus éloquents.

Catherine avait la vue surnaturelle des maux de l’Église, et cette vue terrible la faisait sécher de douleur.

« Je meurs toute vivante, écrivait-elle, et je demande la mort à mon Créateur pour ne plus voir cette grande ruine. Servons nous de la prière. Crions miséricorde à Dieu par les mérites du sang de son Fils ».

« J’ai une soif ardente, disait-elle, du bonheur du monde entier et de la réforme de l’Église. Pour l’obtenir, je donnerais avec joie non seulement mon sang, mais jusqu’à la moëlle de mes os ».

« Mais, ajoutait-elle, ce sont les ministres de l’Église qui ont besoin d’être réformés, non l’Église. L’Église donne la force et la lumière, personne ne peut l’affaiblir, l’obscurcir en elle-même. Elle donne la vie et il y a tant de vie en elle que personne ne peut la tuer. L’Église ne peut périr, car elle est fondée sur la pierre vive, le Christ, le doux Jésus… L’Église est fondée sur l’amour ; elle est l’amour même ».

Passionnée pour l’Église, Catherine l’était aussi pour sa patrie.

À cette belle Italie dévorée par la guerre civile, Pétrarque, en son divin langage, avait longtemps crié en vain : « La paix ! la paix ! la paix » !

Plus heureuse que le grand poëte, la sainte vit souvent le feu de la haine s’éteindre sous sa parole.

Mais l’ange de la paix savait faire entendre au besoin les plus âpres vérités. Étrangère à toute crainte, à toute faiblesse, elle osait écrire aux premiers magistrats de Sienne, à ces magnifiques seigneurs, défenseurs du peuple qui, une fois au pouvoir, ne songeaient qu’à assouvir leurs haines et à remplir leurs coffres : « Le magistrat qui ne s’occupe que de ses affaires personnelles, n’observe pas la justice, il la viole de mille façons… Ce malheureux qui doit gouverner la ville et qui ne se gouverne pas lui-même, ne s’in-