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SAINTE CATHERINE DE SIENNE

Quelques jours après son sacre, comme Grégoire XI reprochait à un évêque de sa cour de ne pas résider dans son diocèse :

« — Très Saint Père, répondit celui-ci, pourquoi l’évêque de Rome ne réside-t-il pas dans son diocèse ?… Nous résiderons tous quand l’évêque de Rome résidera ».

Cette réponse hardie avait troublé le pape. À plusieurs reprises, il avait solennellement annoncé que les intérêts de l’Église lui faisaient un devoir de retourner à Rome. Mais comme chacun sait, la décision du jugement est bien plus facile que la décision de la volonté. Le timide pontife n’osait entreprendre ce que son prédécesseur n’avait pas eu le courage d’achever. Devant ce calvaire qu’Urbain V n’avait pu gravir jusqu’au haut, il sentait défaillir son cœur. Les visions menaçantes de sainte Brigitte mourante l’avaient effrayé sans lui donner la force qui lui manquait.

Mais ce qu’il redoutait, ce Français d’une santé si délicate, ce n’était ni le climat malsain de Rome, ni le stylet des assassins, ni le poison dont était mort, disait-on, Benoît XI. Ce qu’il redoutait, c’était la douleur des adieux, la rupture des mille liens qui l’attachaient à sa patrie. Les supplications de sa famille lui déchiraient le cœur.

Il ressentait aussi cet effroi qui fait reculer les timides devant une résolution très grave, irrévocable.

Certes les Italiens avaient tout fait pour rendre le séjour à Rome impossible aux papes, mais ce fut en vain que les cardinaux, dans leurs inquiétudes intéressées, évoquèrent les tragiques souvenirs : Grégoire croyait que le Christ lui parlait par sa servante Catherine.

Un jour, après sa messe, le doux et pâle pontife fit mander la jeune fille et lui dit avec une émotion solennelle :

« — Dois-je m’en aller à Rome ?

Catherine s’excusa de répondre, disant qu’il ne convenait pas à une pauvre petite femme comme elle, de donner des conseils au chef de l’Église.