Dieu, « cet Être sans commencement et sans fin, immuable et invisible, inexprimable, ineffable, incompréhensible, insaisissable, béni, loué, glorieux, exalté, sublime, très-haut, suave, aimable, délectable et toujours digne d’être désiré par dessus tout, dans les siècles des siècles[1] ».
Quand Luchesio sortit de sa rêverie, il était transformé.
Ces nobles pensées l’avaient pour jamais élevé au-dessus des vulgarités d’ici-bas. Il aurait pu s’écrier avec le Séraphin d’Assise : « Que plus rien donc n’empêche, que plus rien ne sépare, que plus rien ne retarde ! Ayons dans le cœur, aimons, adorons, servons, louons, bénissons, glorifions, exaltons, magnifions, remercions le Dieu très haut, souverain, éternel, Trinité et Unité, Père et Fils et Saint-Esprit, Créateur de tous » !
Un célèbre orateur sacré de notre temps prétendait que l’homme n’a jamais d’influence sur sa femme pour le bien. L’histoire de Luchesio me semble une forte preuve du contraire. Il ne paraît pas avoir eu grand peine à arracher sa femme aux vaniteuses pensées qui la possédaient, à lui faire agréer son héroïque résolution de donner aux pauvres la grande fortune qu’il avait acquise.
L’opulent négociant ne se réserva qu’une maison et un jardin de quatre arpents qu’il voulait cultiver lui-même.
Bonna Donna, sa femme, avait sacrifié de bon cœur ses aspirations mondaines ; elle avait accepté la vie obscure, le travail des mains ; mais la vertu de son mari lui paraissait souvent dépasser toutes les bornes. Son excessive charité lui inspirait parfois de l’humeur.
Un jour qu’il avait distribué tout le pain qui se trouvait dans la maison, d’autres pauvres s’étant présentés, Luchesio pria sa femme de leur donner du pain. « Avez-vous déjà oublié que vous ne nous en avez pas gardé un seul morceau, s’écria-t-elle aigre-
- ↑ Saint François.