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jeanne leber

Jeanne refusa fermement. Elle n’avait aucun attrait pour la vie religieuse, mais elle aspirait au détachement, à l’isolement, à la vie humble, obscure, profondément cachée. Sans cesse elle creusait ce mystère d’amour : l’Eucharistie. Pour contempler l’hostie, voile mystérieux du Dieu anéanti, elle voulait fermer les yeux à tout le reste.

Et qui le croirait ? À son père, à sa mère, si justement fiers d’elle et qui l’adoraient, elle réussit — elle, fille unique — à faire accepter ses extraordinaires désirs de pénitence et de réclusion.



Qu’avait-elle fait de ce besoin de mouvement, de ces torrents de vie, de ces brûlantes aspirations au bonheur qui travaillent la jeunesse ? Aucune douleur n’avait encore obscurci son printemps. Au contraire, tout lui souriait et l’avenir s’étendait lointain, infini.

Mais il y a des âmes souverainement nobles qui vont droit à Dieu, au milieu des enchantements du bonheur. Disons-le, à l’honneur de la nature humaine.



Dans la maison de son père, située rue Saint-Paul, Jeanne choisit une chambre qui donnait sur l’église de l’Hôtel-Dieu — alors église paroissiale — et elle n’en sortit plus que pour aller à la messe, accompagnée de sa femme de chambre.

À Ville-Marie, si grande que fût la piété, cette résolution causa une stupéfaction indicible. Mademoiselle Le Ber avait alors dix-sept ans. Elle était la plus riche fille du Canada,