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silhouettes canadiennes

Avec quel intime contentement Hébert battit le briquet et alluma le premier feu dans l’âtre ! Bien douce fut cette heure. La flamme du foyer, les milles petites voix qui baissaient dans le bois embrasé mettaient la joie dans tous les cœurs. Au lieu de la toile des tentes trempée de rosée, on avait enfin un toit solide, le bien-être de l’abri et de la chaleur. Les meubles, apportés de Paris, reparaissaient au jour. On oubliait qu’on était en pleine barbarie, dans une forêt sans bornes qui n’avait d’ouvert que les marges de la mer et des rivières.

L’œil vif et gai, Mme Hébert allait et venait, plaçant les meubles, rangeant le linge dans les armoires, disposant sur le dressoir sa belle vaisselle d’étain, et, près du feu, les casseroles de cuivre.

C’est avec une émotion profonde que le Père Joseph Le Caron bénit la demeure du pionnier de l’agriculture. Il lui semblait célébrer l’alliance de l’homme avec la terre canadienne. Par delà il voyait, comme en un rêve, les travailleurs du sol, tous ces vaillants défricheurs qui, la hache à la main, s’enfonceraient dans la forêt pour y fonder un foyer ; et il offrait à Dieu leurs rudes labeurs et leurs héroïques misères. Ne semble-t-il pas qu’il dit à Hébert :

« Que vos fatigues, que vos travaux soient bénis… Que vos sueurs soient fécondes… Puissiez-vous avoir bientôt beaucoup d’imitateurs… La terre est la vraie richesse, le dur travail est la loi de la vie ; que votre bras s’arme de vaillance et que votre courage jamais ne défaille… N’oubliez pas que Dieu est votre Père, que partout et toujours, ses anges vous gardent… Ce jour est vraiment pour moi un jour heureux : sur cette terre sauvage j’ai vu une grande et douce chose : j’ai vu un vrai foyer ! »

Une fois sa famille convenablement logée, Louis Hébert prit la hache et, autour de son humble logis, il attaqua la